Lorsque les sénateurs comprennent mieux Internet que ne le voudrait le gouvernement - Sénat
...le projet de loi présente des limites intrinsèques, puisqu’il se repose sur la collecte d’adresses IP sur les réseaux P2P comme source unique de relevé d’infractions.
Selon le Conseil général des technologies de l’information (CGTI), près de deux tiers des téléchargements utilisent les logiciels de P2P et sont clairement ciblés par le présent texte.
De facto, échappent donc au relevé
- le « streaming », technique qui permet la lecture d’un flux audio ou vidéo continu, à mesure qu’il est diffusé,
- les « newsgroups », qui sont des groupes de discussion informels entre personnes connectées, sous la forme de contributions personnelles (pouvant prendre la forme de fichiers) accessibles en lecture par tous,
- ainsi que les échanges par courriels et par messageries instantanées.
Mais c’est également en raison des développements technologiques susceptibles de permettre de contourner le système que l’efficacité du projet de loi rencontre des limites....
- ...De même, pour échapper aux sanctions, il est possible d’utiliser le téléchargement P2P via des adresses situées hors de France. Le projet de loi ne sanctionnera donc que le P2P non crypté et domicilié en France.
- ...Enfin, le projet de loi ne prend pas en compte l’évolution des modes de connexion à internet, qu’il s’agisse du nomadisme ou de la mobilité (internet mobile via carte 3G, équipements Wi-Fi des PC ou des consoles mobiles….
Le réseau internet représente une rupture par rapport à tous les autres réseaux puisque son protocole a permis, dès l’origine, de produire et distribuer des contenus, et même de créer de nouveaux services, sans demander d’autorisation préalable.
C’est ce qui a fait son succès et l’a conduit à devenir un outil d’échange entre tous (et demain entre les objets et non seulement entre les personnes) et un levier de croissance pour l’ensemble des économies.
Grâce à cette architecture spécifique, les contenus générés par les utilisateurs sont en passe de devenir l’une des richesses essentielles du réseau.
Internet s’est donc construit autour de l’échange libre et gratuit, du fait de la séparation entre les infrastructures et les contenus mis à disposition des utilisateurs. Cette séparation est souvent désignée comme le principe de neutralité, et ce principe doit être sauvegardé pour éviter la prise de contrôle d’internet par un Etat, ou par des entités privées.
Or cette neutralité d’internet, véhicule de transport sans autorité sur les contenus, pourrait se trouver menacée par une généralisation prématurée du filtrage des réseaux.
Le texte du projet de loi ne le prévoit pas mais la mention, à l’article 5, du mot « filtrage », jusque là absent de notre droit, pourrait être lourde de conséquences en raison de son caractère intrusif, de la difficulté et du coût de sa mise en oeuvre, et enfin de son efficacité très discutable.
C’est pourquoi votre commission pour avis propose de supprimer ce terme et de revenir aux pouvoirs du juges tels que définis dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique et qui reposent sur une cascade de responsabilités : de l’éditeur d’abord, de l’hébergeur ensuite, et enfin, à défaut, du fournisseur d’accès à internet.
Découlant également du principe de neutralité de l’internet, deux amendements sont proposés par votre commission pour avis qui sont destinés à bien marquer que les fournisseurs d’accès internet (FAI) ne doivent pas, dans le mécanisme mis en place par le projet de loi, endosser des responsabilités qui ne sont pas les leurs ....
L'avis complet est ici : a08-0591.pdf (Objet application/pdf)
Ce genre d'avis est LA bonne raison pour ne pas supprimer les sénateurs ;-)
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